Musashi, en quête de son humanité

Après la bataille de la plaine de Hannya, Musashi et son apprenti, l’enfant Jōtarō, arrivent dans la vallée de Yagyū.

Le décor lui-même combattait la laideur. Les montagnes de la chaîne Kasagi n’étaient pas d’une beauté moins saisissante à la tombée du jour qu’au lever du soleil ; l’eau était pure et claire — idéale, disait-on, pour faire le thé. Les fleurs de prunier de Tsukigase étaient proches, et les rossignols chantaient de la saison de la fonte des neiges à celle des orages ; leurs sonorités de cristal étaient aussi limpides que les eaux montagnardes.

[…]

– C’est stupéfiant, disait Musashi dont les yeux erraient sur les récoltes champêtres et les paysans qui s’adonnaient à leurs travaux. Stupéfiant, répéta-t-il plusieurs fois.

[… Après quelques explications de Musashi, Jōtarō reprend.]

– En tout cas, vous n’êtes pas venu ici pour admirer le paysage. N’allez-vous pas combattre les samouraïs de la maison de Yagyū ?

– Dans l’art de la guerre, combattre n’est pas tout. Les hommes qui le croient, qui se contentent de nourriture à manger et d’un endroit pour dormir, ne sont que des vagabonds. Un étudiant sérieux se soucie beaucoup plus de former son âme et de discipliner son esprit que d’acquérir des talents martiaux. Il doit apprendre toutes sortes de choses : la géographie, l’irrigation, les sentiments de la population, ses us et coutume, ses rapports avec le seigneur du pays. Il veut savoir ce qui se passe à l’intérieur du château, et non point seulement ce qui se passe à l’extérieur. Il veut, essentiellement, aller partout où il pleut, et apprendre tout ce qu’il peut.

Je lis La pierre et le sabre, d’Eiji Yoshikawa, un récit initiatique de la vie d’un personnage historique réel, dans le Japon du XVIIe siècle. Celui de Musashi, l’inventeur de la voie des deux sabres. Je me régale. Je l’avais lu adolescente, et je le redécouvre, je le savoure.

L’extrait plus haut illustre tellement bien Miyamoto Musashi, le samouraï en quête de raffinement, de perfection, et de son humanité. Au gré de ses voyages, il observe, se réjouit, il découvre, il tire des enseignements. Et lorsqu’il se bat, c’est à l’instinct, avec une violence implacable et une précision inouïe.

Sur la plaine de Hannya dix jours auparavant, Musashi avait tué une douzaine de rōnins en moins de temps qu’il n’a fallu à un observateur du combat de respirer vingt fois. J’ai compté, ça me prend une minute et vingt-deux secondes pour respirer vingt fois. Balaise.

Et là, au pied du mont Kasagi, il est fasciné que les arbres des forêts sont nombreux et vieux, que les champs sont verts et que les paysans ne regardent pas d’un œil envieux les voyageurs richement vêtus.

Recette : Filets de poisson en papillote, au curry et lait de coco

Filets de poisson curry et coco en papillotes, pour 4.
Préparation : 15 minutes.
Cuisson : 20 minutes.

baked fish with carrot, green bean and rice
baked fish with carrot, green bean and rice

Ingrédients :
4 filets de poisson (merlu, ou cabillaud, etc.)
160 g de riz basmati
4 poignées de haricots verts extra-fins
2 carottes
200 ml de lait de coco
Curry, sel, ail moulu

Préparation :
1. Cuire 5 minutes le riz, et séparément les haricots et les carottes en lamelles.
2. Dans chaque papillote d’aluminium, déposer un fond de riz, disposer deux lamelles de carottes, une couche de haricots. Verser un fond de lait de coco. Saler, saupoudrer de curry.
3. Déposer les filets de poisson, saupoudrer de curry, de sel et d’ail. Disposer deux lamelles de carottes.
4. Garnir le riz restant autour des filets et recouvrir le riz du reste de haricots. Verser le reste du lait de coco sur les filets et autour.
5. Fermer les papillotes et enfourner 12 minutes à 180ºC, et 8 minutes à 210ºC.

Et voilà !

Matin d’automne, le chaud et le froid

La cime des arbres, encore habillés de feuilles orange, semble s’embraser sous les rayons puissants du clair soleil de ce matin d’automne. Un beau contraste que cet orange cuivré sur le fond bleu du ciel. Alors que le jardin, dans l’ombre, est encore blanc et mat et que l’herbe est transie dans la rosée gelée. Quelques feuilles orange tombent, virevoltent dans l’air figé. Leur chute une tâche de lumière dansante et puis elles disparaissent tout à fait et se posent à l’ombre froide.

Rêve: mission au Moyen-Orient

Si souvent mes rêves sont ancrés dans la réalité, celui dont je sors en est loin, très loin. Je suis au Moyen-Orient, en mission. L’endroit est magnifique. Je me fais la réflexion qu’il faudra que je revienne avec Vlad. Le petit village sur une colline est dépaysant et pittoresque, dans un pays superbe, dont je n’ai vu que quelques images au cours du briefing récent de la mission.

J’ai deux co-équipiers, deux hommes costauds et sombres que je ne connais pas. Je n’ai véritablement vu l’un d’eux qu’en photo. Ils l’ont décrit comme une tête brûlée, qui parle beaucoup et regrette souvent ce qu’il dit à l’instant où il le dit. Il sera un leurre, dans l’opération. Mon autre co-équipier s’appelle Hassan. Il vient d’avoir une conversation discrète au téléphone, et c’est ainsi qu’il s’est présenté.

Nous sommes dans une planque. Un petit appartement très décoré, mais avec goût, exigu et semi-occupé par un vieux bonhomme ronchon qui porte une grande djellaba marron camouflant le bébé silencieux qu’il porte contre lui. Cet homme fait de fréquents allers-retours en bougonnant, entre l’ordinateur de son appartement et la boutique de souvenirs, séparés par une étroite ruelle touristique. Il parle notre langue. On ne se connait pas, mais il sait qui nous sommes. Nous attendons la suite de l’opération, Hassan est encore très tendu.

Il s’allonge sur le lit double, croise les bras sous sa tête, ferme les yeux et se relaxe. Quelques secondes plus tard, il se lève et arpente le peu d’espace libre des quartiers qui sont les nôtres. Quant à moi, je lutte contre le point de côté qui m’a assaillie dans la course-poursuite qui s’est terminée là pour nous. Nous avons semé nos assaillants grâce à Pedro. Pedro, c’est le bavard. Il a dévié la poursuite loin de nous, je l’ai à peine aperçu. Hassan ne s’inquiète pas pour lui, il doit déjà être à l’autre planque, de l’autre côté du village, la partie qui surplombe la vallée aride et les canyons. Je languis du lendemain.

Je passe la porte ouverte et descends les quelques marches sous la voute, je suis dans la ruelle éclairée par le soleil couchant. Je suis concentrée sur ma respiration, longue et soutenue, et je regarde les articles colorés qui jonchent le sol, couvrent les murs et débordent des échoppes, sans les voir. Je pars à petites foulées, espérant que l’exercice soulagera mon point de côté. Je fais le tour du quartier, c’est beau. Les gens s’affairent, discutent, passent, marchandent. Personne ne me voit. En franchissant le seuil peu de temps après, Hassan attrape mon bras et m’attire vigoureusement à l’intérieur. Il y a vraisemblablement une hiérarchie dans notre tandem, et mon escapade était une insubordination à ses yeux. Il me sermonne et gesticule en arpentant le couloir, et tout en tenant ma main, me guide vers la carte étalée sur une table; il a reçu nos ordres pour demain.

C’est une femme qui coordonne la mission. Je la crains. Nous la craignons tous. C’est à Hassan qu’elle parle. Il me donne les détails. L’événement est exceptionnel. Le monde l’attend depuis plusieurs générations. Les mots du briefing me reviennent en mémoire, et dans mon esprit je me figure ce qu’ils m’évoquent. Les enfants, les femmes et le hommes que nous escorterons s’y sont préparés toute leur vie. La foule occupera chaque partie déserte de la colline, au-dessus du village. Nous formerons une ligne; d’un côté les fidèles et à l’écart, les autres.

Devant nous, réunis au bord des falaises, face à la vallée ocre et dorée, les élus porteront des habits blancs dont les pans battront dans le vent chaud. De longues robes à capuches, aux manches longues et amples qui cacheront les trésors dans leurs mains. Derrière nous le vacarme deviendra rumeur, puis murmure et laissera place au silence, et à l’attente. Les fidèles lèveront les bras, les poings fermés pendant que les autres retiendront leur respiration et que le temps passera au ralenti. Le bruit des cœurs battants n’aura d’égal que celui des toiles blanches claquant au gré du vent. Et les mains s’ouvriront, offrant au sirocco une nuée de papillons. Des petits papiers blancs, pliés, légers, qui partiront en tourbillonnant. Consignés au crayon sur chacun, des mots de paix.