Drawvember 2019 Days 11-15

This series focuses on Japanese men warriors.

Sugegasa

Warm grey ink drawing of a man seen from the side. He wears a Sugegasa (conical straw hat) and holds a sword at his side with both hands.

Sugegasa (conical straw hat).

I used a few warm grey PITT artist brush pens from Faber-Castell, and my black ink Pentel Brushpen.

Zen

Thick black strokes to draw a young man in cross-legged position, arms folded, head bent and his sword propped between his shoulder and arms. There is a large black rectangle as background.

Young man in cross-legged position, arms folded, head bent and his sword propped between his shoulder and arms.

I used a black ink Pentel Brushpen without drawing a sketch first.

Sword

Thick broad black strokes create movement around a young man with long black hair wielding a sword.

I didn’t like how this one turned out 🙁

I painted directly black ink strokes with a coarse brush to create movement, and then added detail with a black ink Pentel Brushpen.

Duel

Think black lines depicting two dueling samurais seen from above. One wears a Sugegasa (conical straw hat) and has his sword in front of him, while the other is about to unsheath his.

Dueling samurais seen from above.

I used a black ink 0.05 mm Graphik line maker from Derwent.

I’m not very good at hatching and cross-hatching, but if I ignore that aspect, I like how this one came out.

Musashi vs. Denshichirƍ at the Rengeƍin

Black and grey ink drawing of a two samurai fighting with swords on the railing of a wooden deck by a temple near vegetation. One just missed the other who jumped high above the railing and whose sword is ready to strike.

This is how I imagine the duel between Musashi and Denshichirƍ at the Rengeƍin (from the Eiji Yoshikawa novels). I really enjoyed doing this piece and love love love how it turned out.

I used black ink 0.05 mm Graphik line maker from Derwent, a grey ink brush pen from Kuretake, and black ink Pentel Brushpen.

Inktober 2019 Days 11-15

Day 11: “Snow”

Black ink drawing of a winter scene: grass, fence, house, trees.

I experimented for the first time with negative space. I liked it! I used a black 0.05 mm Uni Pin pen.

Day 12: “Dragon”

Lots of ink in black and grey around a traditional looking Chinese dragon

What can I say? I love to draw dragons! Other than the grey ink that bled into the paper without blending with the previous layer, and the strange green hue where the grey ink of my Kuretake brush pen and the black ink of my Pentel Brushpen met, I really like how it turned out.

Day 13: “Ash’

Black and grey drawing of bodies and rubble. A man at the back props himself up on his arms.

I really enjoyed doing this one! I chose to depict a scene from Pompei in AD 79 after volcano ash trapped the bodies of people trying to escape their horrific death. I used a grey ink brush pen and a water brush in places to get blended lighter tones, then outlined using a black 0.05 mm Uni Pin pen.

Day 14: “Overgrown”

Black and red ballpoint pen drawing of overgrown vegetation covering abandoned vehicles and the San Francisco golden gate bridge.

Black 0.05 mm Uni Pin pen and Slim frixion pen in red for this messy attempt at rendering how the Golden Gate Bridge in San Francisco would look like a bit after the apocalypse.

Day 15: “Legend”

Black and grey ink drawing of hands on the handle of a Japanese sword. I wrote a quote by Miyamoto Musashi from the Earth book in 1644: 'The way of the warrior is the brave acceptance of death.' The open artbook is resting on top of the book on Miyamoto Mushashi: the book of the five rings.

“The way of the warrior is the brave acceptance of death.” — Miyamoto Musashi, The Earth Book, 1644. I draw the detail of a samurai, showing two swords. Musashi was famous for the way of the two swords. I used a grey ink brush pen from Kuretake, a black ink Pentel Brushpen.

Lecture : La Pierre et le Sabre (Eiji Yoshikawa)

Yoshikawa Eiji, La Pierre et le Sabre
J’ai lu 5195p. 604, ambiance

Dehors, les derniĂšres lueurs du couchant donnaient l’impression qu’un bĂątiment Ă©loignĂ© brĂ»lait, et les corbeaux qui tournoyaient autour de la pagode de Tƍji ressemblaient Ă  des cendres noires qui s’envolaient des flammes.

p. 651, désaccords entre Matahachi et sa mÚre Osugi

Leurs dĂ©saccords ressemblaient souvent Ă  cela : ils commençaient par un violent conflit d’émotions, un antagonisme implacable. La comprĂ©hension mutuelle Ă©tait sapĂ©e avant d’avoir eu la moindre chance de se dĂ©velopper.

p. 671, Kƍetsu conseille Musashi quant Ă  la satisfaction de l’existence, et l’invite au quartier rĂ©servĂ©.

— Je n’y ai jamais pensĂ©. J’aimerais aller dans un foule d’endroits Ă©loignĂ©s, me rendre Ă  l’autre bout de Kyushu, voir comment vient les gens Ă  Nagasaki, sous les influences Ă©trangĂšres. Je brĂ»le de connaĂźtre la nouvelle capitale que le shƍgun est en train de bĂątir Ă  Edo, les grandes montagnes et riviĂšres au nord de Honshu. Peut-ĂȘtre qu’au fond de moi, je ne suis qu’un vagabond.
— Vous n’ĂȘtes nullement le seul. C’est tout naturel, mais il faut Ă©viter la tentation de croire que vos rĂȘves ne pourront se rĂ©aliser que dans quelque endroit lointain. Si vous le croyez, vous nĂ©gligerez les possibilitĂ©s de votre environnement immĂ©diat. La plupart des jeunes gens agissent ainsi, je le crains, et deviennent insatisfaits de leur existence. (Kƍetsu se mit Ă  rire.) Mais un vieil oisif tel que moi n’a pas Ă  prĂȘcher aux jeunes
 Quoi qu’il en soit, je ne suis pas venu pour parler de cela. Je suis venu vous inviter Ă  sortir ce soir. Êtes-vous jamais allĂ© au quartier rĂ©servĂ© ?

p. 689, Denshichirƍ et l’alcool

Étant donnĂ© que nul ne pouvait se rappeler un moment, matin, midi ou soir, oĂč il s’était prĂ©sentĂ© au dƍjƍ sans sentir l’alcool, on en Ă©tait venu Ă  admettre son alcoolisme comme un fait accompli. Bien que le sort de toute l’école Yoshioka fĂ»t en jeu, l’un des hommes se demanda s’il ne vaudrait pas mieux qu’il se chauffĂąt le corps avec un peu de sakĂ© plutĂŽt que d’essayer de manier le sabre avec des bras et des jambes gelĂ©s.

p. 697, il neige lors du duel entre Denshichirƍ et Musashi

Musashi tenait son sabre Ă  hauteur de l’Ɠil, lui aussi, les coudes dĂ©tendus, souples et capables de se mouvoir en tout sens. Les bras de Denshichirƍ, dans cette posture inhabituelle, Ă©taient tendus, raides, et son sabre mal assurĂ©. Celui du Musashi ne bougeait pas du tout ; la neige commença Ă  s’amonceler sur sa fine tranche supĂ©rieure.

p. 702, seigneur Karasumaru entre tristesse et luxe

Le seigneur Karasumaru considĂ©rait comme une erreur grave, de la part des dieux, d’avoir fait d’un homme comme lui-mĂȘme un noble. Et, bien que serviteur de l’empereur, il ne voyait devant lui que deux possibilitĂ©s : vivre dans une tristesse constante, ou passer son temps Ă  faire la fĂȘte. Le choix raisonnable Ă©tait de reposer sa tĂȘte sur les genoux d’une belle femme, d’admirer la pĂąle clartĂ© de la lune, de contempler au printemps les fleurs de cerisier, et de mourir une coupe de sakĂ© Ă  la main.

p. 706, jeux Ă  boire

— Comment allons-nous dĂ©cider des tours ? Se contenter d’engloutir n’est pas drĂŽle. Nous devrions jouer Ă  un jeu. Le perdant devra boire une pleine coupe. À quel jeu jouerons-nous ?
— Nous pourrions essayer de nous faire baisser les yeux l’un à l’autre.
— Ça m’obligerait à contempler votre vilaine face de marchand. Ce n’est pas un jeu, c’est une torture.
— Pas d’insultes ! Euh
 et le jeu de la pierre, des ciseaux et du papier ?
— Trùs bien !

p. 718, Yoshino et Musashi

Les femmes ayant reçu l’éducation et la formation de Yoshino Ă©taient fort capables de tomber amoureuses. Elle n’avait qu’un ou deux ans de plus que Musashi, mais que leur expĂ©rience de l’amour Ă©tait donc diffĂ©rente ! À le regarder assis lĂ , si raide, rĂ©primant ses Ă©motions, Ă©vitant le visage de la jeune femme comme si un regard jetĂ© sur elle eĂ»t risquĂ© de le rendre aveugle, elle se sentait de nouveau pareille Ă  une vierge protĂ©gĂ©e qui Ă©prouve les premiĂšres affres de l’amour.

p. 721, Yoshino Ă©ventre un luth

Elle prit dans sa main souple un fin couteau tranchant, et l’abattit d’un coup vif sur le dos en forme de poire du luth. Trois ou quatre coups adroits, et l’ouvrage Ă©tait fait, si vite et de maniĂšre si dĂ©cisive que Musashi s’attendait presque Ă  voir du sang jaillir de l’instrument. Il ressentit mĂȘme un lĂ©ger Ă©lancement de douleur, comme si la lame avait entaillĂ© sa propre chair. Tenant le couteau derriĂšre elle, Yoshino leva le luth afin d’en montrer la structure au jeune homme.
Regardant d’abord son visage, puis le luth brisĂ©, il se demandait si elle possĂ©dait en rĂ©alitĂ© l’élĂ©ment de violence que paraissait indiquer sa façon de manier l’arme. La douleur cuisante provoquĂ©e en lui par les coups subsistait.

p. 724, OtsĆ« a envie de mandarines. Jƍtarƍ va s’en procurer.

AprĂšs qu’il eut quittĂ© le marchĂ©, par deux fois l’espoir lui revint Ă  la vue de fruits orangĂ©s derriĂšre les murs de jardins privĂ©s
 mais qui se rĂ©vĂ©lĂšrent ĂȘtre es oranges amĂšres et des coings.
Ayant parcouru prĂšs de la moitiĂ© de la ville, il n’eut gain de cause qu’en commettant un vol. Les offrandes, devant le sanctuaire Shinto, consistaient en petits tas de pommes de terre, de carottes et de mandarines. Il fourra les fruits dans son kimono, en s’assurant par un coup d’Ɠil circulaire que nul ne l’observait. Dans la crainte que le dieux outragĂ© ne se matĂ©rialisĂąt d’une minute Ă  l’autre, il pria durant tout le chemin du retour Ă  la maison Karasumaru : “S’il vous plait, ne me punissez pas. Je ne vais pas les manger moi-mĂȘme.”

p. 769, Kojirƍ dĂ©crit Musashi Ă  Genzaemon et JĆ«rƍzaemon de la maison de Yoshioka

Fils d’un samouraĂŻ de la province de Mimasaka, il s’est enfui pour aller Ă  travers le pays
 Bien qu’il soit un vaurien, il possĂšde un certain talent au sabre. Et, physiquement, il est d’une force extrĂȘme. En outre, il se bat sans se soucier de sa propre vie. C’est pourquoi les mĂ©thodes orthodoxes d’escrime sont inefficaces contre lui, tout comme la raison est inefficace contre la folie. Vous devez le prendre au piĂšge Ă  la façon d’une bĂȘte fĂ©roce, ou vous Ă©chouerez. Maintenant, considĂ©rez quel est votre ennemi, et tirez vos plans en consĂ©quence !

p. 771, Musashi médite, et perd son temps.

Il avait passĂ© la journĂ©e prĂ©cĂ©dente Ă  mĂ©diter sous un pin au temple de Kuruma dans l’espoir de rĂ©aliser cet Ă©tat de bĂ©atitude oĂč le corps et l’ñme n’ont plus d’importance. Son effort pour chasser l’idĂ©e de la mort ayant Ă©tĂ© vain, il Ă©tait maintenant honteux d’avoir perdu son temps.

p. 774, Musashi explique Ă  Kojirƍ que bien qu’en infĂ©rioritĂ© numĂ©rique, il ira seul se battre contre les Yoshioka

— [
] Selon toute apparence, les Yoshioka ont le dessus. Ils sont en nombre, et je suis seul. Sans aucun doute, vous croyez que je serai vaincu. Mais je vous supplie de ne pas vous inquiĂ©ter pour moi. À supposer que je sache qu’ils ont dix hommes, et je j’amĂšne dix hommes avec mois, qu’arriverait-il ? Ils jetteraient dans la mĂȘlĂ©e vingt hommes au lieu de dix. Si j’en amenais vingt, ils Ă©lĂšveraient le nombre Ă  trente ou quarante, et la bataille troublerait encore davantage l’ordre public. Il y aurait beaucoup de tuĂ©s ou de blessĂ©s. Il en rĂ©sulterait une violation grave des principes gouvernementaux, sans que progresse en compensation la cause de l’escrime. Autrement dit, il y aurait beaucoup Ă  perdre et peu Ă  gagner si je faisais appel Ă  des renforts.

p. 776, Kojirƍ complote pour manipuler Musashi

Kojirƍ, assis sur une racine d’arbre, envisageait le combat Ă  venir avec un sentiment proche de l’allĂ©gresse. “À en juger d’aprĂšs le calme de Musashi, il est dĂ©jĂ  rĂ©signĂ© Ă  mourir. Il n’en vendra pas moins chĂšrement sa peau. Plus il en fauchera, plus ce sera amusant Ă  observer
 Ah ! mais les Yoshioka ont des armes de jet. S’il est touchĂ© par l’une d’elles, le spectacle se terminera aussitĂŽt. Ça gĂącherait tout. Je crois que je ferais mieux de lui parler d’elles.”

p. 777, Musashi se remémore la leçon de Takuan sur la valeur de la vie

Non qu’il eĂ»t oubliĂ© la leçon que Takuan lui avait enseignĂ©e : l’homme vĂ©ritablement brave est celui qui aime la vie, qui la chĂ©rit comme un trĂ©sor qu’une fois perdu l’on ne peut jamais retrouver. Musashi savait bien que vivre, c’est plus que se borner Ă  survivre. Le problĂšme Ă©tait de savoir comment imprĂ©gner sa vie de signification, comment assurer que sa vie lancerait jusque dans l’avenir un vif rayon de lumiĂšre, mĂȘme s’il devenait nĂ©cessaire de renoncer Ă  cette vie pour une cause.

p. 785, la dĂ©termination d’OtsĆ«

Une certaine lumiĂšre brilla dans les yeux de la jeune fille, ce qui fit sentir au jeune homme la faiblesse de sa propre dĂ©termination en comparaison de la sienne. Pour acquĂ©rir ne fĂ»t-ce qu’un peu de maĂźtrise de soi, il avait dĂ» mĂ©diter depuis des annĂ©es la question de la vie et de la mort, se discipliner sans arrĂȘt, se forcer Ă  subir les rigueurs d’un entraĂźnement de samouraĂŻ. Sans entraĂźnement ni autodiscipline consciente, cette femme Ă©tait capable de dĂ©clarer, sans l’ombre d’une hĂ©sitation, qu’elle aussi se trouvait prĂȘte Ă  mourir si lui mourrait. Son visage exprimait une sĂ©rĂ©nitĂ© parfaite ; ses yeux lui disaient qu’elle ne mentait ni ne parlait impulsivement. elle semblait presque heureuse Ă  la perspective de le suivre dans la mort. Avec un peu de honte, il se demanda comment les femmes faisaient pour ĂȘtre aussi fortes.

p. 786, Musashi raisonne Otsƫ sur son amour pour lui

— [
] VoilĂ  le genre d’homme que je suis. Que dire d’autre ? Je pense Ă  mon sabre, et tu disparais dans quelque coin sombre de mon esprit
 non, tu disparais tout Ă  fait, sans laisser de trace. C’est en de pareils moments que je suis le plus heureux et le plus satisfait de ma vie. Comprends-tu ? Durant tout ce temps, tu as souffert, tu as risquĂ© ton corps, et ton Ăąme pour un homme qui aime son sabre plus qu’il ne t’aime. Je mourrai pour l’honneur de mon sabre, mais je ne mourrai point pour l’amour dune femme. Pas mĂȘme pour l’amour de toi. J’ai beau avoir envie de tomber Ă  genoux pour implorer ton pardon, je ne peux pas.
Il sentit les doigts sensibles de la jeune fille se serrer autour de son poignet.
— Je sais tout cela, dit-elle avec force. Si je ne le savais pas, je ne t’aimerais pas comme je t’aime.

p. 790, Matahachi tente de convaincre sa mĂšre de renoncer

— Toute cette histoire est stupide. Nous rapportons au village une mĂšche de cheveux que nous prĂ©sentons comme preuve que notre grande mission dans cette vie a bien Ă©tĂ© accomplie. Ces rustres ne sont jamais descendus de leurs montagnes ; ils seront donc impressionnĂ©s. Oh ! combien je le hais, ce village !

p. 795, Matahachi fanfaronne auprùs d’Akemi jusqu’à ce qu’il entende Osugi

— Pas par là, Matahachi !
— Et pourquoi donc ?
— Il va nous falloir repasser devant cette pierre.
— Ha ! ha ! Et voir le nain Ă  figure de femme ? N’y pense plus : Je suis avec toi, maintenant
 Oh ! Ă©coute
 n’est-ce pas ma mĂšre qui appelle ? DĂ©pĂȘche-toi, avant qu’elle ne vienne Ă  ma recherche. Elle est bien pire qu’un petit fantĂŽme Ă  la face effrayante.

p. 800, Musashi et les dieux

Tout en croyant sincĂšrement aux dieux, il ne considĂ©rait pas comme appartenant Ă  la Voie du samouraĂŻ de rechercher leur aide. La Voie Ă©tait une vĂ©ritĂ© suprĂȘme, qui transcendait les dieux et les sages. Musashi recula d’un pas, joignit les mains et, au lieu de demander protection, remercia les dieux pour leur aide accordĂ©e au bon moment.

p. 802, Musashi contre l’enfant Ă  la tĂȘte de la Maison Yoshioka

— Je suis Miyamoto Musashi, le fils de Shimmen Munisai de la province de Mimasaka. Je suis venu conformĂ©ment Ă  notre accord conclu avant-hier Ă  Yanagimachi
 Genjirƍ, ĂȘtes-vous lĂ  ? Je vous supplie de faire plus attention que SeijĆ«ro et Denshichirƍ avant vous. Si je comprends bien, en raison de votre jeunesse, vous avez pour vous soutenir plusieurs vingtaines d’hommes. Moi, Musashi, je suis venu seul. Vos hommes peuvent m’attaquer individuellement ou bien en groupe, comme ils le souhaitent
 Et maintenant, en garde !

p. 804, le maniement du sabre de Musashi

Musashi faisait de son arme un usage diffĂ©rent de celui de l’homme d’épĂ©e ordinaire de son temps. Suivant les techniques normales, si le premier coup n’atteignait pas son but, la force du sabre se dĂ©pensait dans l’air. Il fallait ramener la lame en arriĂšre avant de frapper Ă  nouveau. C’était trop lent pour Musashi. Chaque fois qu’il frappait latĂ©ralement, il y avait un choc en retour. Un coup vers la droite Ă©tait suivi presque dans le mĂȘme mouvement par un choc en retour vers la gauche. La lame de Musashi crĂ©ait deux rais de lumiĂšre, dont le dessin ressemblait fort Ă  deux aiguilles de pin soudĂ©es Ă  une extrĂ©mitĂ©.

p. 808, Musashi se bat contre cent hommes.

Tout son kimono paraissait teint d’un motif cramoisi. Les spectateurs qui le voyaient clairement se couvraient les yeux d’horreur.
Plus Ă©pouvantable encore Ă©tait la vision des morts et des blessĂ©s abandonnĂ©s dans son sillage. En poursuivant sa retraite stratĂ©gique vers le haut du sentier, il atteignait une surface de terrain dĂ©couvert oĂč ses poursuivants se dĂ©versĂšrent pour une attaque massive. En quelques secondes, quatre ou cinq hommes furent fauchĂ©s. Ils gisaient, dispersĂ©s sur une vaste zone, moribond tĂ©moignage de la vitesse avec laquelle Musashi frappait et se dĂ©plaçait. L’on eĂ»t dit qu’il Ă©tait partout Ă  la fois.

p. 808, d’instinct, Musashi se bat avec deux sabres

À un certain moment, il tira son petit sabre et se mit Ă  combattre avec les deux mains. Alors que le grand sabre, dans sa main droite, ruisselait de sans jusqu’à la garde et jusqu’au poing qui le tenait, dans sa main gauche le petit sabre Ă©tait propre. Il eut beau cueillir un peu de chair aussitĂŽt qu’il s’en servit, il continua d’étinceler, assoiffĂ© de sang. Musashi lui-mĂȘme n’était pas encore pleinement conscient de l’avoir dĂ©gainĂ©, bien qu’il le maniĂąt avec la mĂȘme adresse que le plus grand.
[
]
Par la suite, cette technique devait prendre le nom de “technique des deux sabres contre des forces nombreuses”, mais en cet instant, Musashi se battait par pur instinct.

p. 822, Osugi soignée par son mortel ennemi

La face contre le col de la vache, Osugi gĂ©missait de douleur et tĂąchait de se redresser. Chaque fois que Musashi lui tĂ©moignait de la sollicitude, elle se remĂ©morait sa haine et lui exprimait silencieusement son mĂ©pris d’ĂȘtre soignĂ©e par son mortel ennemi.

p. 829, Musashi sermonne Matahachi

— [
] Tu rends Okƍ responsable de tout, dit-il avec fermetĂ© ; or, un homme adulte doit-il parler comme ça ? Nul autre que toi-mĂȘme ne peut crĂ©er pour toi une vie digne d’ĂȘtre vĂ©cue.

p. 856, Musashi se jĂšte dans l’eau froide pour se punir de s’ĂȘtre jetĂ© sur OtsĆ«

Son dĂ©sir pour OtsĆ« mourait de mort lente, car il Ă©tait proche parent du tempĂ©rament passionnĂ© sans lequel il ne fĂ»t jamais allĂ© Ă  Sekigahara ni n’eĂ»t accompli aucun de ses extraordinaires exploits. Mais le vĂ©ritable danger se trouvait dans le fait qu’en un certain point toutes ses annĂ©es d’entraĂźnement devenaient sans pouvoir contre ce tempĂ©rament, et qu’il retombait au niveau d’une bĂȘte sauvage, d’une bĂȘte brute. Or, contre un pareil ennemi, informe et secret, le sabre Ă©tait complĂštement inutile. DĂ©concertĂ©, perplexe, il priait pour que les eaux furieuses le ramenassent Ă  sa quĂȘte de la discipline.

Lecture : La Parfaite LumiĂšre (Eiji Yoshikawa)

Yoshikawa Eiji, La Parfaite LumiĂšre
J’ai lu 5392p. 42, le regard, avant le sabre, endommage l’homme dans le combat

Les yeux rivĂ©s l’un Ă  l’autre, sans faire le moindre mouvement, les deux hommes semblaient ne pas entendre. Le bĂąton de Gonnosuke attendait sous son bras l’occasion de frapper. Il paraissait avoir inhalĂ© tout l’air du plateau et attendait le moment de l’exhaler d’un seul grand coup cinglant. Musashi avait la main collĂ©e sous la poignĂ©e de son sabre et ses yeux paraissaient percer le corps de Gonnosuke. En eux, la bataille avait dĂ©jĂ  commencĂ© car l’Ɠil peut endommager un homme plus gravement qu’un sabre ou qu’un bĂąton. Une fois que l’Ɠil a opĂ©rĂ© la premiĂšre percĂ©e, le sabre ou la bĂąton pĂ©nĂštre sans effort.

p. 58, il cherchait une Voie du sabre qui embrassĂąt toute chose

La Voie du samouraï
 Il se concentra sur ce concept, tel qu’il s’appliquait Ă  lui-mĂȘme et Ă  son sabre.
Soudain, il vit la vĂ©ritĂ© : les techniques de l’homme d’épĂ©e n’étaient pas son but ; il cherchait une Voie du sabre qui embrassĂąt toute chose. Le sabre devait ĂȘtre beaucoup plus qu’une simple arme ; il devait ĂȘtre une rĂ©ponse aux questions existentielles. La Voie d’Uesugi Kenshin et de Date Masamuno Ă©tait trop Ă©troitement militaire, trop Ă©triquĂ©e. À lui d’y ajouter un aspect humain, de lui donner une plus grande profondeur, une plus grande Ă©lĂ©vation.
Pour la premiĂšre fois, il se demandant s’il Ă©tait possible Ă  un ĂȘtre humain insignifiant de ne faire qu’un avec l’univers.

p. 146, Kojirƍ au sourire mauvais

Ils se dirigĂšrent sans bruit vers la maison du prĂȘtre. Ils n’avaient pas fait dix pas que l’homme qui marchait en tĂȘte recula, le souffle coupĂ©. AussitĂŽt, les autres furent comme pĂ©trifiĂ©s, les yeux rivĂ©s sur le pĂ©ristyle du sanctuaire vĂ©tuste. LĂ , devant l’ombre portĂ©e d’un prunier chargĂ© de fruits verts, se tenait Kojirƍ, un pied appuyĂ© sur la balustrade ; il arborait un sourire mauvais. Tous les Ă©lĂšves pĂąlirent, certains haletaient.

p. 165, La Voie du sabre [
] devait ĂȘtre une source de force

Musashi estimait son but en parfait accord avec ses idĂ©aux d’homme d’épĂ©e.
Il en Ă©tait venu Ă  considĂ©rer la Voie du sabre sous un nouvel angle. Un an ou deux auparavant, il voulait seulement vaincre tous ses rivaux ; or maintenant, l’idĂ©e que le sabre existait pour lui donner pouvoir sur autrui ne le satisfaisait plus. Abattre les gens, triompher d’eux, montrer jusqu’oĂč sa propre force pouvait aller, tout cela lui semblait de plus en plus vain. Il voulait se vaincre lui-mĂȘme, soumettre la vie elle-mĂȘme, faire vivre les gens plutĂŽt que les faire mourir. La Voie du sabre ne devait pas servir uniquement Ă  son propre perfectionnement. Elle devait ĂȘtre une source de force pour gouverner les gens, les conduire Ă  la paix et au bonheur.

p. 207, mauvais cÎté & bon cÎté

— Quand les gens vivent en harmonie les uns avec les autres, la terre est un paradis, poursuivit gravement Musashi. Mais tout homme a son mauvais cĂŽtĂ© aussi bien que son bon cĂŽtĂ©. Il y a des moments oĂč seul le mauvais ressort. Alors, le monde n’est pas un paradis mais un enfer. Comprends-tu ce que je te dis?
— Oui, je crois, rĂ©pondit Iori, maintenant radouci.

p. 201, soba

Des nouilles de blĂ© noir — soba —, voilĂ  ce qu’il voulait ! À la campagne, si l’on voulait du soba, on semait du blĂ© noir au dĂ©but du printemps, on le regardait fleurir en Ă©tĂ©, on faisait sĂ©cher le grain Ă  l’automne, on le transformait en farine pendant l’hiver. Seulement alors, on pouvait prĂ©parer le soba. Ici, cela ne demandait pas d’autre effort que de claquer dans ses mains pour se le faire servir.
— Iori, si nous commandions du soba ?

p. 224, gùchis des sabres mis en lieu sûr

Kƍsuke reprit haleine et continua :
— 
 Le problĂšme semble ĂȘtre que plus le sabre est vieux et cĂ©lĂšbre, plus son propriĂ©taire a tendance Ă  le mettre en lieu sĂ»r. Mais alors, nul ne peut l’atteindre pour s’en occuper et la lame rouille de plus en plus
 Ces propriĂ©taires sont comme des parents qui protĂšgent si jalousement leurs enfants que ces derniers deviennent idiots en grandissant. Dans le cas des enfants, il en naĂźt sans arrĂȘt : peu importe si quelques-uns sont stupides. Mais les sabres


p. 263, Kojirƍ, incarnation du grand Hachiman

Osugi était transportée de gratitude :
— Merci, Kojirƍ. Vous ĂȘtes si bon pour moi ! Vous devez ĂȘtre une incarnation du grand Hachiman.
Elle joignit les mains et s’inclina comme devant le dieu de la guerre en personne. En son Ăąme et conscience, Kojirƍ avait la ferme conviction de faire ce qu’il fallait. Il est mĂȘme douteux que des mortels ordinaires puissent imaginer toute l’ampleur de son contentement de soi au moment oĂč il monta jusqu’à la porte de Kƍsuke.

p. 263, l’inimitiĂ© de Musashi et Kojirƍ

Au dĂ©but, quand Musashi et Kojirƍ Ă©taient tout jeunes, pleins d’énergie et brĂ»lant de prouver leur supĂ©rioritĂ©, il n’existait pas entre eux de cause profonde d’inimitiĂ©. Il y avait eu de la rivalitĂ©, certes, normale entre deux combattants forts et presque Ă©gaux. Ce qui par la suite avait ulcĂ©rĂ© Kojirƍ, ç’avait Ă©tĂ© de voir Musashi devenir peu Ă  peu un homme d’épĂ©e cĂ©lĂšbre. Musashi, quant Ă  lui, respectait l’extraordinaire habilitĂ© de Kojirƍ sinon son caractĂšre, et le traitait toujours avec une certaine circonspection. Mais, avec les annĂ©es, ils se brouillĂšrent pour diverses raisons : la Maison de Yoshioka, le sort d’Akemi, l’affaire de la douairiĂšre Hon’iden. DĂ©sormais, la rĂ©conciliation n’était plus possible.

p. 268, Kojirƍ blesse mortellement Shinzƍ

Tout en le regardant s’approcher — douze, onze, dix pieds —, Kojirƍ desserra tranquillement la partie supĂ©rieure de son kimono et posa la main droite sur son sabre.
— 
 Allons ! cria-t-il.
Ce dĂ©fi provoqua chez Shinzƍ un instant d’hesitation involontaire. Le corps de Kojirƍ flĂ©chit en avant ; son bras se dĂ©tendit comme un arc ; il y eut un bruit mĂ©tallique. L’instant d’aprĂšs, son sabre rĂ©intĂ©grait son fourreau d’un coup sec. Il n’y avait eu qu’un mince Ă©clair.
Shinzƍ restait debout, jambes Ă©cartĂ©es. Pas trace de sang encore ; pourtant, il Ă©tait clair qu’il avait Ă©tĂ© blessĂ©. Bien que son sabre fĂ»t toujours tendu Ă  hauteur d’Ɠil, il avait eu le rĂ©flexe de porter la main gauche Ă  son cou.
— Oh !
Il entendit devant lui et derriĂšre lui un bruit de course et des halĂštements ; ils Ă©manaient de Kojirƍ et d’un homme qui arrivait derriĂšre lui. Le bruit de pas et la voix renvoyĂšrent Kojirƍ dans les tĂ©nĂšbres.
— Qu’est-il arrivĂ© ? criait Kƍsuke, les bras tendus pour soutenir Shinzƍ. Oh ! voilĂ  qui m’a l’air d’une sale histoire ! Au secours ! Au secours, quelqu’un !
Il avait reçu tout le poids du corps du jeune homme. Un morceau de chair, pas plus gros qu’une coque de palourde, tomba du cou de Shinzƍ. Le sang jaillit et inonda d’abord le bras de Shinzƍ puis les pans de son kimono jusqu’à terre.

p. 391, La révélation des deux sabres

La rĂ©vĂ©lation le frappa comme la foudre. Musashi regardait les mains de l’’un des joueurs de tambour en train de manier deux courtes baguettes. Le souffle coupĂ©, il cria presque :
— C’est ça ! Deux sabres !
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— Deux sabres, rĂ©pĂ©ta-t-il. C’est le mĂȘme principe. Deux baguettes de tambour, mais un seul son.

p. 496, l’amour d’Hyƍgo pour OtsĆ«

Hyƍgo l’accompagna sur le chemin puis s’arrĂȘta soudain. Il ne pouvait le nier : il lui arrivait d’envier Musashi, comme il eĂ»t enviĂ© n’importe quel homme qu’eĂ»t aimĂ© OtsĆ«. que le coeur de la jeune fille appartĂźnt Ă  un autre ne diminuait pas son affection pour elle.
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Il Ă©tait perdu dans sa rĂȘverie lorsque OtsĆ« se retourna et s’inclina pour remercier ses bienfaiteurs. Lorsqu’elle se remit en route, elle frĂŽla les fleurs de prunier. Hyƍgo regarda tomber les pĂ©tales ; il pouvait presque sentir leur parfum.

p. 540, courtoisie d’adversaires hors combat

Au portail, aprÚs avoir remercié Yukimura de son hospitalité, Sado lui déclara :
— Je suis certain que nous nous rencontrerons de nouveau un de ces jours. Peut-ĂȘtre sera-ce encore un jour de pluie, ou peut-ĂȘtre soufflera-t-il un vent plus violent. D’ici lĂ , je vous souhaite la meilleur santĂ©.
Yukimura fit un large sourire et approuva de la tĂȘte. Oui, un de ces jours
 Un instant, chacun vit l’autre, en pensĂ©e, Ă  cheval et armĂ© d’une lance. Mais, pour le moment, il n’y avait que l’hĂŽte inclinĂ© parmi les pĂ©tales d’abricotier qui tombaient, et l’invitĂ© qui partait en cape de paille rayĂ©e de pluie.

p. 563, vagues de souffrance et de plaisir

— Si tu peux supporter les rigueurs, tu connais un plaisir plus grand que la souffrance, dit Musashi avec solennitĂ©. Jour et nuit, heure aprĂšs heure, nous sommes ballotĂ©s tour Ă  tour par des vagues de souffrance et de plaisir. Si l’on cherche Ă  n’éprouver que du plaisir, on cesse d’ĂȘtre vraiment vivant. Alors, le plaisir s’évanouit aussi.

p. 615, Musashi dans un monde qui a dĂ©cidĂ© de son futur combat contre Kojirƍ

Être le champion d’un grand nombre de disciples et d’admirateurs : mĂȘme dans ses rĂȘves les plus fous, Musashi n’avait pu l’imaginer. L’importance de la foule le gĂȘnait. En outre, elle lui interdisait de parler comme il l’aurait souhaitĂ© avec certaines personnes.
Ce qui le frappait le plus dans ces adieux, c’était leur absurditĂ©. Il n’avait aucun dĂ©sir d’ĂȘtre l’idole de quiconque. Pourtant, tous ces gens se trouvaient lĂ  pour exprimer leur bienveillance. Il n’existait aucun moyen de les en empĂȘcher.
Il avait le sentiment que certains d’entre eux le comprenaient. En mĂȘme temps, il Ă©tait presque effrayĂ© qu’une telle adulation lui montĂąt Ă  la tĂȘte. AprĂšs tout, il n’était qu’un homme.
Autre chose le troublait : ce long prĂ©lude. Si l’on pouvait dire que Kojirƍ et lui voyaient enfin oĂč leurs relations les menaient, on pouvait dire aussi que le monde les avait dressĂ©s l’un contre l’autre et avait dĂ©crĂ©tĂ© une fois pour toutes qu’ils devraient dĂ©cider lequel des deux Ă©tait le meilleur.
Un bruit courĂ»t tout d’abord : Il paraĂźt qu’ils vont en dĂ©coudre.
Puis un autre : Oui, ils s’affronteront, c’est sĂ»r.
Et enfin : Quand doit avoir lieu le combat ?
Le bruit du jour et de l’heure mĂȘmes avait circulĂ© avant que les principaux intĂ©ressĂ©s n’en eussent officiellement dĂ©cidĂ©.

p. 618, Kƍetsu dĂ©crit Ă  Gonnosuke en quoi Musashi est extraordinaire

— Je ne qualifierais pas Musashi d’homme ordinaire.
— Pourtant, il l’est. VoilĂ  bien ce qu’il y a d’extraordinaire en lui. Il ne se contente pas de compter sur les dons naturels qu’il peut avoir. Se sachant ordinaire, il essaie toujours de s’amĂ©liorer. Nul ne se fait la moindre idĂ©e de l’effort surhumain qu’il a dĂ» fournir. Maintenant que ses annĂ©es d’entraĂźnement ont donnĂ© des rĂ©sultats aussi spectaculaires, tout le monde parle de ses “talents innĂ©s”. Ainsi se consolent les gens qui manquent de courage.

p. 649, Le primitif besoin de vaincre de Kojirƍ

Je dois gagner. Je le dois, je le dois, se disait-il en silence.
L’idĂ©e de la victoire Ă©tait pour lui un fardeau psychologique. Il s’en rendait compte, mais n’y pouvait rien.
Gagner, gagner, gagner

Comme une vague poussĂ©e par le vent, ce mot ne cessait de se rĂ©pĂ©ter quelque part dans son esprit. MĂȘme Kojirƍ ne pouvait comprendre pourquoi le primitif besoin de vaincre lui battait le cerveau avec une telle persistance.

p. 675, Musashi se prépare à peindre

Il considĂ©rait le papier blanc comme le grand univers de la non-existence. Un simple coup de pinceau y ferait naĂźtre l’existence. Il pouvait Ă©voquer la pluie ou le vent Ă  volontĂ© mais, quoi qu’il dessinĂąt, son cƓur subsisterait Ă  jamais dans le tableau. Si son cƓur Ă©tait corrompu, le tableau le serait aussi. S’il essayait de faire Ă©talage de son adresse, impossible de le cacher. Le cors humain s’efface, mais l’encre survit. L’image de son cƓur survivrait aprĂšs que lui-mĂȘme aurait disparu.
Il sentit que ses pensĂ©es le retenaient. Il Ă©tait sur le point d’entrer dans le monde de la non-existence, de laisser son cƓur parler seul, indĂ©pendamment de son ego, libĂ©rĂ© de la touche personnelle de sa main. Il essayait d’ĂȘtre vide, attendant l’état sublime oĂč son cƓur s’exprimerait Ă  l’unisson de l’univers.

p. 683, Jƍtarƍ a manquĂ© sa chance de parler Ă  Musashi

Osugi s’agenouilla et s’inclina. Puis ce fut le tour de Gonnosuke et de Jƍtarƍ. AprĂšs avoir fait tout le chemin depuis Himeji, Jƍtarƍ avait manquĂ© sa chance de parler Ă  Musashi, malgrĂ© son dĂ©sir intense de lui dire un mot d’adieu. Sa dĂ©ception fut adoucie Ă  l’idĂ©e qu’OtsĆ« avait bĂ©nĂ©ficiĂ© de ces quelques instants.

p. 686, L’eau a la vie Ă©ternelle

Par-dessus bord, il regardait tourbillonner l’eau bleue. Elle Ă©tait profonde Ă  cet endroit, infiniment profond, et animĂ©e de ce qui semblait ĂȘtre la vie Ă©ternelle. Mais l’eau n’a pas de forme fixe et dĂ©terminĂ©e. N’est-ce pas parce que l’homme a une forme fixe et dĂ©terminĂ©e qu’il ne peut possĂ©der la vie Ă©ternelle ? La vraie vie ne commence-t-elle pas seulement lorsque la forme tangible a Ă©tĂ© perdue ?

p. 691, Le combat entre Musashi et Kojirƍ dĂ©bute

L’extrĂ©mitĂ© de son fourreau se dressa haut derriĂšre lui tandis qu’il tirait la grande “Perche Ă  sĂ©cher”. De la main gauche, il se dĂ©barrassa du fourreau qu’il jeta Ă  l’eau. Musashi attendit juste le temps qu’une vague battĂźt le rĂ©cif et se retirĂąt pour dĂ©clarer soudain d’une voix douce :
— Tu as perdu, Kojirƍ.
— Quoi ? fit GanryĆ«, Ă©branlĂ© au plus profond de lui-mĂȘme.
— Le combat est terminĂ©. Je te dis que tu es vaincu.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Si tu devais gagner, tu ne jetterais pas ton fourreau. C’est ton avenir et ta vie que tu as rejetĂ©s.

p. 693, la clameur de Ganryƫ et de Musashi

Des Ăąges parurent s’écouler ; en rĂ©alitĂ©, l’intervalle fut bref : le temps nĂ©cessaire aux vagues pour s’approcher et se retirer une demi-douzaine de fois.
Alors, une grande clameur — plus que de la gorge, elle venait des profondeurs des ĂȘtres — fracassa le temps. Elle Ă©manait de GanryĆ« et fut suivie aussitĂŽt par la clameur de Musashi.
Ces deux cris, pareils Ă  des vagues furieuses qui fouettent un rivage rocheux, lancĂšrent leurs esprits vers le ciel. L’épĂ©e de l’assaillant, si haut brandie qu’elle semblait dĂ©fier le soleil, stria l’air pareille Ă  un arc-en-ciel.

p. 684, Musashi vainquit Kojirƍ

Musashi fit ce Ă  quoi nul ne s’attendait. Au lieu de s’avancer lentement, prudemment, il marcha hardiment sur GanryĆ«, son sabre pointĂ© devant lui, prĂȘt Ă  crever les yeux de l’ennemi. La rudesse de cette approche immobilisa GanryĆ«. Le sabre de bois se dressa dans l’air. D’un puissant coup de pied, Musashi sauta haut et, pliant les jambes rĂ©duisit ses un mĂštre quatre-vingts Ă  un mĂštre vingt tout au plus.
“Ya-a-ah !” L’épĂ©e de GanryĆ« dĂ©chira l’espace au-dessus de lui. Le coup manqua son but, mais l’extrĂ©mitĂ© de la “Perche Ă  SĂ©cher” trancha le serre-tĂȘte de Musashi, qui vola dans les airs.
GanryĆ« prit Ă  tort le serre-tĂȘte pour la tĂȘte mĂȘme de son adversaire, et un sourire fugitif erra sur son visage. L’instant d’aprĂšs, son crĂąne Ă©clatait comme un caillou sous le coup de sabre de Musashi.
Tandis que GanryĆ« gisait Ă  l’endroit oĂč le sable rencontrait l’herbe, son visage ne trahissait aucune conscience de la dĂ©faite. Le sang lui jaillissait de la bouche mais ses lĂšvres formaient un sourire de triomphe.