11 juin 2013, première présentation

Ça s’est bien passé. 70 personnes dans la salle. J’avais la voix qui tremblait pendant une ou deux minutes et puis je suis rentrée dans mon sujet et dans les 20 minutes de présentation, j’ai cherché comment formuler une idée à trois reprises, mais ça ne m’a pas trop déstabilisée. J’ai placé à l’aise des commentaires tels que “I will come back to this in a moment”. Et aussi fait quelques parallèles avec la présentation du CEO, et répondu à un sous-entendu vicieux écrit la veille sur IRC, justement pendant cette présentation.

Par contre j’avais un peu du mal à faire le contact visuel avec l’audience. L’auditorium, même au tiers plein, c’est impressionnant, et la lumière dans le visage, ça n’aide pas.

J’ai eu 11 questions pendant 30 minutes, dont deux étaient pour deux autres collègues, et j’ai pu frimer en répondant à une question épineuse. Et sur une question il n’y avait pas de réponse, donc j’ai répondu “I have to punt on that one for two reasons […]” (que j’ai données). Ça a même permis au CEO, qui faisait juste après moi la clôture des trois jours, de rebondir sur le sujet de cette question de manière assez éloquente. Du coup, ça s’est bien goupillé on s’est chacun donné matière à bien s’en sortir.

Déjà le matin il m’a coincée pour causer de la suite que je pense donner à cette présentation et je lui ai montré mes slides. Sur les 16 il avait une seule suggestion : ajouter un élément de liste aux conclusions, en rappel d’un transparent un peu avant. Ça m’a fait plaisir. Il ne laisse rien passer et remet TOUT en doute ou en question. Il retourne aussi les problèmes dans tous les sens à vitesse grand V, et il ne mâche pas ses mots. Alors une suggestion d’ajout d’un seul élément de liste, c’est rien du tout et c’est très bon signe quant à la qualité de ma préparation.

Après la présentation, j’ai eu les félicitations de Jérôme Chailloux (notre directeur à ERCIM) –le premier compliment qu’il me fait en 8 ans. Il a dit que ça se sentait qu’il y avait du travail derrière et que je connaissais bien le sujet. Il m’a aussi félicitée pour cette promotion, ou un truc du genre. J’ai dit que c’en n’est pas une, et qu’on m’a nommée volontaire à la tête de l’initiative en question. Il a haussé les épaules en disant que parfois il faut se laisser faire pour son bien.

Et mon chef m’a regardée avec effroi ou incrédulité, je sais pas trop, une fois revenue m’asseoir, comme s’il s’était agi d’une bonne surprise ou bien d’une invasion extra-terrestre.

Et d’autres de l’équipe qui ont entendu que c’était une première disaient qu’on n’aurait pas dit.

Je suis non seulement pas fâchée de pas être morte sur place, ou évanouie (la honte), mais aussi je suis plutôt satisfaite. Cela dit, j’ai pas non plus hâte de recommencer.

Je suis tombée de sommeil un peu avant 21h au restaurant: endormissement irrésistible. Là, ça va mais je ne vais pas tarder, car je prends les notes du board pendant les deux jours qui viennent.

Voilà mon rapport de prise de parole en public devant mes collègues favoris et nos membres qui nous ratent pas.

Traduction: Perspectives sur EME en première version de travail publique

Cher lecteur francophone,

C’est avec joie (non) que j’ai utilisé mon ample (non) temps libre pour traduire en français le billet que notre CEO Jeff Jaffe a publié la semaine dernière à l’occasion de la sortie controversée de ‘Encrypted Media Extensions‘ (EME) en première version de travail publique, par le groupe de travail HTML.

J’ai hébergé cette traduction sur mon site:

Perspectives sur Encrypted Media Extensions (Extensions pour médias chiffrés) qui atteint le statut de première version de travail publique

Je fais de la traduction en amateur et j’ai eu bien du mal à traduire certains termes que j’emploie tous les jours en anglais. Vos suggestions d’amélioration sont attendues avec anticipation (ici, via le blog).

Au plaisir de vous lire !

Coralie

En 1964, le droit de mépris coûtait 2 francs

Aujourd’hui j’ai regardé quelques fois cette vidéo que l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) a mise en ligne le 20 mars dernier : Le livre de poche et le mépris. C’est un court extrait (42 secondes) de l’émission de l’ORTF (Office national de radiodiffusion télévision française) L’avenir est à vous, datée du 21 septembre 1964.

Il y a quarante-neuf ans bientôt donc, un étudiant en médecine, appelons-le le lecteur aristocrate, qui bien qu’il ne sait pas s’il y appartient, affirme être persuadé qu’il faut une aristocratie de lecteurs. Interrogé sur le livre de poche, il déclare en penser beaucoup de mal. Je cite :

“Parce que ça a fait lire un tas de gens qui n’avaient pas besoin de lire, finalement, qui n’avaient jamais ressenti le besoin de lire. On les a amené là, avant ils lisaient Nous Deux ou La vie en fleurs, et d’un seul coup ils se sont retrouvés avec Sartre dans les mains. Ce qui leur a donné une espèce de prétention intellectuelle qu’ils n’avaient pas. C’est à dire qu’avant les gens étaient humbles, finalement, devant la littérature, alors que maintenant ils se permettent de la prendre de haut. Les gens ont acquis le droit de mépris maintenant. Ce qu’ils n’avaient pas avant.”

Ce que ça m’inspire  ?

Petit un, je chantonne Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates à la lanterne !
Petit deux, je me demande si tous les gens parlaient comme ça à l’époque.
Petit trois, sait-on jamais, comme mon père était également étudiant en médecine à peu près à cette époque, je sais de quoi je vais lui parler à la prochaine occasion pour qu’on rigole un coup.
Et petit quatre, je tracerais bien volontiers un parallèle entre l’aristocratie de lecteurs telle que décrite par l’étudiant il y a 49 ans et l’aristocratie d’internautes.

Au risque de sembler élitiste ou de ne pas voir un défaut que j’ai moi-même –moi qui gribouille sur l’internet de temps à autre– quand je vois ce qui se tweet, ce qui se facebook, ce qui s’instagram, etc., j’ai du mal à séparer le bon grain de l’ivraie, et j’aspire à une modération sévère chez ceux qui inondent le Web de tout ce qui leur passe par la tête.

La pivoine tranchée par le sabre d’un maître

Otsū porta aux représentants de l’école Yoshioka la lettre de Sekishūsai qui s’excusait de ne pouvoir les recevoir. Il offrait également une fleur, qu’Otsū tendit en même temps que la lettre. Denshishirō s’offusqua, et dégoûté, rendit la fleur à Otsū qui en fit cadeau à la servante de l’auberge où séjournait également Musashi. Lorsque celle-ci plaça la fleur dans la chambre de Musashi, il remarqua la tige.

L’œil de Musashi se posa par hasard sur l’extrémité coupée de la tige de la pivoine. Il inclina la tête, surpris, mais sans comprendre ce qui avait attiré son attention.
[…]

– Sais-tu qui a coupé cette fleur ?
– Non. On me l’a donnée.
– Qui ça ?
– Une personne du château.
– L’un des samouraïs ?
– Non, c’était une jeune femme.
– Hum… Alors, tu crois que la fleur vient du château ?
– Oui, elle me l’a dit.

[…]

Les vingt centimètres du morceau de tige fascinaient Musashi beaucoup plus que la fleur de l’alcôve. Il était sûr que la première entaille n’avait été faite ni avec des ciseaux ni avec un couteau. Les tiges de pivoine étant souples et tendres, elle ne pouvait avoir été faite qu’avec un sabre, et seul un coup résolu pouvait avoir tranché aussi net. Quiconque avait fait cela n’était pas un être ordinaire. Lui-même avait eu beau tenter de reproduire l’entaille avec son propre sabre, en comparant les deux extrémités il se rendait compte aussitôt que la sienne était inférieure, et de loin.

[…]

Otsū rendit compte de sa mission à Sekishūsai.

– Le fils Yoshioka a-t-il pris en main la pivoine pour la regarder ? demanda-t-il.
– Oui. Quand il a lu la lettre.
– Et alors ?
– Il s’est contenté de me la rendre.
– Il n’a pas regardé la tige ?
– Pas que je sache.
– Il ne l’a pas examinée ? Il n’en a rien dit ?
– Non.
– J’ai bien fait de refuser de le rencontrer. Il ne le mérite pas. La maison de Yoshioka aurait mieux fait de finir avec Kempō

[…]

Musashi fit porter par Jotarō une lettre aux gens de Yagyū, ainsi que la tige.

« Curieuse lettre », se disait Kizaemon. Il considéra de nouveau la tige de pivoine, examinant avec attention les deux extrémités, mais sans pouvoir discerner si une extrémité différait de l’autre.

[…]

– Si ce que dit la lettre est vrai, déclara Kizaemon, et s’il a vraiment pu discerner que cette tige avait été coupée par un expert, alors il doit savoir quelque chose que nous ne savons pas. Le vieux maître l’a coupée lui-même, et apparemment cela saute aux yeux de quelqu’un dont les yeux voient véritablement.

Kizaemon demanda l’avis de trois autres au dōjō; aucun ne sut distinguer une extrémité de l’autre. C’était décidé, ils souhaitaient rencontrer ce « Shimmen Musashi », signataire de la lettre à l’écriture ayant du caractère, qui pourrait tout à fait être le Miyamoto Musashi qui avait aidé les prêtres du Hōzōin à tuer toute cette racaille, dans la plaine de Hannya.