Les lieux familiers

Comme moi, Karl est un “hospital native”. Comme moi ? Non, pas tout à fait. Certes en entrant dans un hôpital, comme lui j’entre dans un lieu familier, je comprends les codes non écrits, les habitudes et les processus. Mais point de réconfort n’émerge d’une habitude oubliée. J’ai des habitudes oubliées de mon enfance à l’hôpital (aux hôpitaux, deux, si je veux être précise) car mon papa chef de service y était logé avec nous; et de ma vie de jeune adulte alors que j’y travaillais pendant les vacances universitaires.

Je connais les rotations de gens, les dossiers médicaux, les salles et appareils d’examens, mais ce qui me reste le plus, ce sont les couloirs et coursives aux lumières blafardes, et l’impression déprimante d’un moment en suspens alors que le temps, lui, s’égrène inexorablement. Il me faut un effort pour les occulter et que je fouille pour raviver les souvenirs vagues des sourires des malades, les voix enjouées et le ton rassurant du personnel, et la lumière naturelle inondant les couloirs lorsqu’au profit d’un soin la porte d’une chambre est entrouverte.

Dans ces lieux familiers je ne m’attarde pas.

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