J’ai donné mon avis à Cetelem

Il arrive parfois que les étoiles se trouvent dans un parfait alignement. Comme hier. Un samedi gris de début avril, tombant en fin du premier quart de la période de « mesures supplémentaires de freinage du coronavirus, durant l’extension de l’allègement du confinement » cette dernière étant en vigueur en France métropolitaine depuis le 16 décembre 2020. Bref, j’avais le temps de répondre à l’enquête de satisfaction commanditée par Cetelem. Et l’envie.

Parce que Cetelem, j’ai des choses à dire à ton sujet !

Cetelem c’est un peu comme l’hôtel Californie, quand même : “You can check-out any time you like. But you can never leave!” (« Vous pouvez partir à tout moment. Mais vous ne pouvez jamais partir ! ») Je le sais, car j’ai essayé.

En fait, à chaque fois que je prends place sur mon canapé-payé-en-4-fois-sans-frais, une infime zone de mon cerveau s’active : celle qui se souvient que c’est via un produit Cetelem, même si je l’ignorais à l’époque, que j’ai pu faire l’acquisition de ce canapé, il y a bientôt 4 ans.

Entre-temps, j’ai respecté le contrat et soumis par courrier recommandé la signification de son arrêt (c’est ambigu si une fois le crédit remboursé le contrat s’arrête), dans le délai imparti. Depuis : boîte noire.

Et puis j’ai envoyé un autre courrier recommandé, quand ils ont continué de —ou recommencé à — envoyer des courriers tout aussi ambigus m’informant de la situation de mon compte. Et puis ce sont les courriers électroniques que la boîte noire a émis. L’un pour m’informer d’un message dans mon espace personnel. L’autre pour m’informer de la disponibilité de mon relevé en ligne. Puis ce fut une offre de bienvenue à un nouveau service de paiement. Dans TOUS les cas, il faut s’identifier sur leur site pour savoir de quoi il s’agit. Et dans TOUS les cas, s’identifier sur leur site semble m’engager à réactiver le contrat. NON MERCI !

Trois panneaux de l’enquête

Graduées de 0 à 10, je ne comprends pas vraiment la dynamique des questions.

Je crois que ce genre d’enquête ne sert que pour ceux qui n’ont rien à dire.

J’ai mis des zéros le plus possible et fourni des raisons là où c’était possible.

Non, je ne recommande pas Cetelem à quiconque. Mon niveau de satisfaction concernant les produits ? Comment dire… Les offres commerciales proposées ? Impossibles à éviter ! La fréquence ? Dès lors que non c’est non, même une fois est trop fréquent.

Les trois derniers panneaux de l’enquête

J’ai mis 10, la graduation la meilleure, à la question « est-ce que Cetelem s’engage pour une consommation plus responsable et plus durable ? » Je l’ai fait comme une plaisanterie où oui, je vous garantie que je vais me responsabiliser : Cetelem c’est terminé !

Est-ce que Cetelem a facilité mon parcours et l’accès au service ? LOL.

Est-ce que je choisirai Cetelem pour un projet futur ? Absolument pas.

Mentions légales et courrier
Mentions légales et courrier

Les mentions légales de leur email me demandant de leur donner mon avis m’ont permis une nouvelle fois de leur écrire, cette fois pour exercer mon droit relatif à mes données.

Les fleurs du jardin (édition mai 2020)

Les températures sont estivales depuis quelques jours, avec une journée à 28° le week-end passé. Ça fait donc plusieurs mois que le jardin s’est activé. Voici une sélection photographique, une sorte d’état des lieux, des mois passés depuis le début d’année.

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Les platebandes

Manga donné à un fan de BD

La semaine passée, en cherchant des références photos pour dessiner des samouraïs, j’ai retrouvé un manga chinois que j’avais acheté à Hong Kong en 2001 lors de ma première visite.
La couverture cartonnée magnifique représente un jeune homme au teint rose pâle, à l’air déterminé, habillé d’une tunique claire à broderies dorées, et dont les cheveux longs ondulent au vent.
Le papier est épais et les dessins nets et soignés. L’histoire semble être celle de ce jeune homme et d’une quête mystérieuse qui l’emmène à travers je ne sais quel pays (mais il y a des campements aux tentes similaires à des yourtes, mais plus angulaires), avec une jeune fille qui lui colle aux semelles, en évita d’être au milieu pendant les combats, et qui le regarde avec des yeux pleins d’amour.

C’est un bel objet mais il ne sert qu’à remplir ma bibliothèque : je n’ai jamais été alléchée ni par ce que l’histoire semble être, ni par les dessins que je trouve ressembler trop à ceux des dessins animés pour enfants. À l’époque, c’était soit la couverture qui m’a plu, soit c’était le seul manga que j’ai pu trouver par faute de temps.

Toujours est-il qu’aujourd’hui au hasard de la venue d’un plombier pour prévoir quelques travaux, ce manga a changé de mains !

À la vue sur ma table de la BD ‘le garage hermétique’ de Moebius, le plombier m’a demandé si j’étais fan de BD et m’a dit que lui l’était. ‘Non, pas vraiment,’ lui dis-je, ‘mais j’aime Moebius. On m’a offert cette BD, et je recopie des dessins que j’aime sur mon carnet.’ C’est clairement un passionné. Il va même faire des pèlerinages en Belgique, capitale intersidérale de la bande-dessinée.

‘Si vous êtes fan de BD, vous aimez peut-être les mangas,’ lui dis-je. ‘J’ai retrouvé un manga de Hong Kong dont le style ne m’inspire pas.’ Et je prends le livre et le lui tends. ‘Vous le voulez ?’

Banco. Il a hésité juste le temps protocolaire, et est reparti avec un grand sourire. Moi aussi ça m’a fait plaisir que ce livre ait trouvé un meilleur propriétaire que moi.

Lecture : Madame Bovary (Gustave Flaubert)

dessin à l'encre d'une femme lisant en habits du 19è siècle
J’ai relu Madame Bovary de Gustave Flaubert, une œuvre classique écrite en feuilleton dans La Revue de Paris, entre 1851 et 1856, que je m’étais cognée au lycée, sans l’apprécier.

Or, je trouve que c’est drôlement bien écrit ! L’histoire n’est pas passionnante et traîne un peu en longueur, mais ça se tient.

J’ai souligné quelques passages que voici, dans l’ordre chronologique :

La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient, en costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie.

Aujourd’hui, on dirait « pfou, il est chiant, le mari. »


[…] la vieille femme se sentait encore là préférée ; mais, à présent, l’amour de Charles pour Emma lui semblait une désertion de sa tendresse, un envahissement sur ce qui lui appartenait ; et elle observait le bonheur de son fils avec un silence triste, comme quelqu’un de ruiné qui regarde à travers les carreaux des gens attablés dans son ancienne maison.

Dans la version comédie, je verrais bien Marthe Villalonga dans le rôle de Madame Bovary mère.


Aussi, je n’admets pas un bonhomme de bon Dieu qui se promène dans son parterre la canne à la main, loge ses amis dans le ventre des baleines, meurt en poussant un cri et ressuscite au bout de trois jours : choses absurdes en elles-mêmes et complètement opposées, d’ailleurs, à toutes les lois de la physique ; ce qui nous démontre, en passant, que les prêtres ont toujours croupi dans une ignorance turpide, où ils s’efforcent d’engloutir avec eux les populations.

Oh, le mé-cré-ant ! En plus, il confond les évangiles avec Pinocchio (c’est vrai à la fin, qui c’est qui loge dans le ventre des baleines ?)


Sur la lecture :

On ne songe à rien, continuait-il, les heures passent. On se promène immobile dans des pays que l’on croit voir, et votre pensée, s’enlaçant à la fiction, se joue dans les détails ou poursuit le contour des aventures. Elle se mêle aux personnages ; il semble que c’est vous qui palpitez sous leurs costumes.


Chabada-bada :

C’est ainsi, l’un près de l’autre, pendant que Charles [son mari] et le pharmacien devisaient, qu’ils entrèrent [Emma et Léon] dans une de ces vagues conversations où le hasard des phrases vous ramène toujours au centre fixe d’une sympathie commune.


Le soleil traversait d’un rayon les petits globules bleus des ondes qui se succédaient en se crevant ; les vieux saules ébranchés miraient dans l’eau leur écorce grise ; au-delà, tout alentour, la prairie semblait vide.

Comme c’est lyrique. Comme c’est musical.


Un autre joli chabada-bada :

N’avaient-ils rien autre chose à se dire ? Leur yeux pourtant étaient pleins d’une causerie plus sérieuse ; et, tandis qu’ils s’efforçaient à trouver des phrases banales, ils sentaient une même langueur les envahir tous les deux ; c’était comme un murmure de l’âme, profond, continu, qui dominait celui des voix.


Quant à Emma, elle ne s’interrogea point pour savoir si elle l’aimait. L’amour, croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, – ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l’abîme le cœur entier.

Il ne manque que le slow de Barry White en fond sonore, quoi.


Emma, qui lui [le pharmacien] donnait le bras, s’appuyait un peu sur son épaule, et elle regardait le disque du soleil irradiant au loin, dans la brume, sa pâleur éblouissante ; mais elle tourna la tête : Charles était là [son mari]. Il avait sa casquette enfoncée sur les sourcils, et ses deux grosses lèvres tremblotaient, ce qui ajoutait à son visage quelque chose de stupide ; son dos même, son dos tranquille était irritant à voir, et elle y trouvait étalée sur la redingote toute la platitude du personnage.

Où comment en 82 pages, le mari, tout en restant plat, est devenu dégoûtant.


Mais plus Emma s’apercevait de son amour, plus elle le refoulait, afin qu’il ne parût plus, et pour le diminuer. Elle aurait voulu que Léon s’en doutât ; et elle imaginait des hasards, des catastrophes qui l’eussent facilité. Ce qui la retenait sans doute, c’était la paresse ou l’épouvante, et la pudeur aussi. Elle songeait qu’elle l’avait repoussé trop loin, qu’il n’était plus temps, que tout était perdu. Puis, l’orgueil, la joie de se dire : « Je suis vertueuse », et de se regarder dans la glace en prenant des poses résignées, la consolait un peu du sacrifice qu’elle croyait faire.

Sainte Emma.


Ce qui l’exaspérait, c’est que Charles n’avait pas l’air de se douter de son supplice. La conviction où il était de la rendre heureuse lui semblait une insulte imbécile et sa sécurité là-dessus, de l’ingratitude. Pour qui donc était-elle sage ? N’était-il pas, lui, l’obstacle à toute félicité, la cause de toute misère, et comme l’ardillon pointu de cette courroie complexe qui la bouclait de tous côtés ?
Donc, elle reporta sur lui seul la haine nombreuse qui résultait de ses ennuis, et chaque effort pour l’amoindrir ne servait qu’à l’augmenter ; car cette peine inutile s’ajoutait aux autres motifs de désespoir et contribuait encore plus à l’écartement. […] Elle aurait voulu que Charles la battît, pour pouvoir plus justement le détester, s’en venger.


Parce que des lèvres libertines ou vénales lui avaient murmuré des phrases pareilles, il ne croyait que faiblement à la candeur de celles-là ; on en devait rabattre, pensait-il, les discours exagérés cachant les affections médiocres ; comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.

Le récit ne dit pas à quoi il carburait, Rodolphe. En tout cas, toute alambiquée qu’elle est, c’est une jolie phrase.


[…] les plaisirs, comme les écoliers dans la cour d’un collège, avaient tellement piétiné sur son cœur, que rien de vert n’y poussait, et ce qui passait par là, plus étourdi que les enfants, n’y laissait pas même, comme eux, son nom gravé sur la muraille.

Où comment joliment et musicalement dire que Rodolphe est un gros blasé.


Ce qu’il y a de plus lamentable, n’est-ce pas, c’est de traîner, comme moi, une existence inutile ? Si nos douleurs pouvaient servir à quelqu’un, on se consolerait dans la pensée du sacrifice !

Sainte Emma, le retour.

À vrai dire, dans le récit, on se situe à la fin du chagrin d’amour infligé par ce couard de Rodolphe (au début duquel elle se confina au lit pendant des mois, et dont elle sortit grâce à la fantaisie de devenir pieuse) et au moment où par hasard elle retombe sur Léon, son deuxième amour, trois ans après, et elle lui raconte ses états d’âme.


Jamais la vie ne lui avait paru si bonne. Elle allait venir tout à l’heure, charmante, agitée, épiant derrière elle les regards qui la suivaient, – et avec sa robe à volants, son lorgnon d’or, ses bottines minces, dans toutes sortes d’élégances dont il n’avait pas goûté, et dans l’ineffable séduction de la vertu qui succombe. L’église, comme un boudoir gigantesque, se disposait autour d’elle ; les voûtes s’inclinaient pour recueillir dans l’ombre la confession de son amour ; les vitraux resplendissaient pour illuminer son visage, et les encensoirs allaient brûler pour qu’elle apparût comme un ange, dans la fumée des parfums.

Et dans la version comédie, j’imagine bien Dominique Lavanant en Emma, qui trébuche en entrant dans l’église.


Il citait du latin, tant il était exaspéré. Il eût cité du chinois et du groenlandais, s’il eût connu ces deux langues ; car il se trouvait dans une de ces crises où l’âme entière montre indistinctement ce qu’elle enferme, comme l’Océan, qui, dans les tempêtes, s’entr’ouvre depuis les fucus de son rivage jusqu’au sable de ses abîmes.

Il en a gros, le pharmacien.


[…] il restait debout, les mains pendantes et les yeux ouverts, comme enlacé dans les fils innombrables d’une rêverie soudaine.

J’aime beaucoup les analogies de Flaubert. Celle-ci est très poétique et imagée.


[…] le bois du cercueil, heurté par les cailloux, fit ce bruit formidable qui nous semble être le retentissement de l’éternité.

À la mort d’Emma, il ne reste plus qu’à parler de Charles puisque c’est le seul qui reste. C’est pour lui que le bruit formidable représente l’éternité.


Cependant la volupté de sa douleur était incomplète, car il n’avait autour de lui personne qui la partageât […]


Accoudé en face de lui [Charles rencontre par hasard Rodolphe, dont il a récemment lu toute la correspondance intime avec Emma], il mâchait son cigare tout en causant, et Charles se perdait en rêveries devant cette figure qu’elle avait aimée. Il lui semblait revoir quelque chose d’elle. C’était un émerveillement. Il aurait voulu être cet homme.
L’autre continuait à parler culture, bestiaux, engrais, bouchant avec des phrases banales tous les interstices où pouvait se glisser une allusion. Charles ne l’écoutait pas ; Rodolphe s’en apercevait, et il suivait sur la mobilité de sa figure le passage des souvenirs. Elle s’empourprait peu à peu, les narines battaient vite, les lèvres frémissaient ; il y eût même un instant où Charles, plein d’une fureur sombre, fixa ses yeux contre Rodolphe qui, dans une sorte d’effroi, s’interrompit. Maid bientôt la même lassitude funèbre réapparût sur son visage.
« Je ne vous en veux pas », dit-il.

J’aime la narration de ce face-à-face du point de vue de l’un puis de l’autre.


Illustration : j’ai dessiné aux feutres fins gris et noir la couverture du roman aux éditions Pocket qui représente un tableau de John Bostock.